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Paroles de Chen Guofu
Recueillies par JJ Sagot

 

Sur l’enseignement :

«  Le kung-fu*, je ne peux pas vous le donner comme ça, comme on donne sa montre. Je ne peux que vous guider, c’est tout. Ma fonction, c’est juste de guider. Je peux dire comment il faut s’entraîner, mais le reste, ça dépend de vous ».

            *kung-fu dans le sens « le meilleur de l’art ».

Sur son parcours :

« Je garde de mes années d’apprentissage beaucoup de souvenirs, en particulier de ces moments où je franchissais le seuil de le maison de Madame Sun en tremblant, de peur qu’elle ne soit pas satisfaite de moi. Elle devait cependant me considérer comme un bon élève, puisque j’ai passé trois années à travailler avec elle quotidiennement. Elle corrigeait inlassablement chaque posture ». 

 

« J’ai eu une chance inouïe de pouvoir apprendre les 5 styles de taichi lors de mon parcours, en plus avec les grands maîtres de chacun d’eux. Chance supplémentaire, c’est d’avoir étudié avec des maîtres très durs sur le plan martial comme Chen Zhao Kui et avec deux des plus grands maîtres féminins, Madame Wu et madame Sun. »

 

« J’ai ainsi goûté à tous les plats, j’ai fait une belle dégustation gastronomique ! » (rires)

Madame Sun et Maître Hao m’avaient conseillé d’abandonner le style Wu de mes débuts (de Wu Jian Quan). C’est cependant de ma propre décision que j’ai conservé essentiellement le style Wu de la famille Hao et le style Sun. Le style Wu pour son exigence de rigueur et de profondeur, le style Sun, qui en provient, pour la multiplicité de ses facettes, visibles ou invisibles» (pour illustration, Chen compare le style Sun à un couteau suisse aux nombreuses lames différentes).

 

« Je suis toujours le bienvenu dans l’école Yongnian de style Yang et je ne rate que rarement une invitation à venir donner mes conseils à la Chin Woo. »

 

 « Le monde entier devrait remercier tous les maîtres et tous les administrateurs de la Chin Woo qui a traversé tout le XXème siècle et ses bouleversements en maintenant l’idée de son créateur de cultiver les arts traditionnels pour la santé du peuple. »

 

« Je fais partie de l’ancienne génération, celle qui est en train de disparaître. Dans un avenir proche, beaucoup de choses vont changer en Chine. On s’éloigne du taiji des origines ; Ceux qui en font encore ne développent qu’une sorte de danse. C’est aux occidentaux qui cherchent et travaillent le vrai kungfu de le perpétuer . Ainsi, un jour, les Chinois pourront le réintroduire chez eux ».

 

« Maintenant, à mon âge, je donne tout ce que je sais, l’eau et la cuvette aussi ! Je suis de la 3ème génération après Sun Lu Tang, JJ Sagot est de la 4ème, je lui suis reconnaissant d’avoir fait tous ces efforts pour recueillir le kung-fu des anciens»

 

 

Sur l’apprentissage et la pratique :

« Même si les mouvements du taiji, les différentes façon de pratiquer le taiji semblent diverger, à l’intérieur, le processus est le même ».

« Chaque mouvement a une application martiale. Sinon, ça n’a pas de sens. On peut ainsi pratiquer vite ou au ralenti, tant que le mouvement est produit en référence à sa fonction martiale ».

 

« Dans la pratique des formes, il ne faut pas se focaliser en permanence sur le dantian, ni attendre des résultats rapides . Forcer le processus provoque une stagnation du qi , comme des caillots de qi qui bloquent sa circulation. Les résultats viennent avec la patience : regardez des gouttes d’eau tomber sur une pierre ; avec le temps, elles y creuseront un trou. Confiance et patience font partie du processus et concourent à la santé ».

 

Sur les styles Wu et Sun :

« On appelle parfois le style Wu « Wu militaire », pour le distinguer de l’autre Wu, en référence à l’idéogramme Wu qui est le même que dans Wu Shu et signifie le combat. Même si certains ont appelé ce style, le style Hao (à cause des descendants Hao) ou encore Wu Hao, c’est impropre. Hao Shao Ru n’a jamais donné son nom au style transmis par son père et son grand-père. Ils ont toujours dit « Wushe » c’est-à-dire « style Wu » en hommage à Wu Yu Xiang, le fondateur. Moi aussi ».

 

« Le style Wu a une forme de pureté, elle est toujours en référence avec l’axe vertical. On peut alors s’orienter dans les huit directions. C’est comme un livre que l’on tient debout par la reliure. Les pages peuvent bouger en tous sens sans entrave. Il vaut mieux donc abandonner les styles penchés comme le Wu de Wu Jian Quan. La reliure, elle, ne bouge pas. Quand le mouvement est fini, tout revient à l’unité. Impossible d’aller vers le Wu Xi* sans cette condition, ni de contacter la paix intérieure.»

            *Le Wu Xi signifie le non-agir, ici dans le sens de l’amoindrissement de l’expression de l’action.

 

« Dans l’élaboration du style Sun, par Sun Lu Tang, il y a eu la volonté de rassembler des techniques complémentaires. C’était possible car taiji, bagua et xingyi sont des neija, c’est à dire des techniques internes. Le socle du style Sun est le style Wu. C’est pourquoi ces deux styles sont indissociables. »

 

« Un des apports majeurs du style Sun est d’avoir insisté sur le wapu* qui peut s’appliquer en toutes circonstances, en particulier dans le travail martial. »

*wapu signifie « pas glissé », qui est une des caractéristiques du bagua.

 

« Les formes réduites peuvent être des premiers pas d’apprentissage, mais il faut conserver et pratiquer les formes complètes, conformes à la tradition. L’élaboration des formes traditionnelles a été faite en respectant la circulation du qi dans les méridiens selon une continuité bien définie. Si on change l’ordre des postures, on bouleverse cet ordonnancement. Sun Lu tang a élaboré sa forme en cohérence avec les fonctions anatomiques (articulations, muscles …) et les conceptions chinoises traditionnelles (qi, méridiens…). Il a respecté l’ordre originel des postures, tout en modifiant l’expression de chaque posture. C’est pourquoi il faut enseigner la forme originelle plutôt que la forme en 73 postures. Madame Sun a enseigné aussi la 73 postures pour ne pas être en porte-à-faux avec le taichi officiel de Pékin.  Nous Chinois avons appris à ne pas aller contre les exigences politiques. »

 

« On peut avoir l’image suivante : le pakua et le xingyi sont comme des écoles primaires et le style Wu comme l’université ».

 

«  Il n’était pas nécessaire de prétendre à un tuishou spécifique aux styles Wu et Sun. C’est Wu Yu Xiang lui-même qui a défini les bases de la pratique à deux. Les textes dit classiques du XIXème ont été rédigés par Wu et son descendant Li Yi Yu. C’est plutôt les autres styles qui ont suivi les consignes de Wu !  Il convient donc de pratiquer plusieurs sortes de tuishou, en se confrontant à des pratiquants d’autres écoles. Il y a même une confusion dans l’appellation tuishou car, en réalité, poussée des mains et applications martiales sont une seule et même chose.»

 

« Il n’est pas nécessaire de pratiquer absolument les armes. Cependant, si l’on veut comprendre le wushu dans son ensemble, c’est indispensable, d’une part sur le plan culturel, d’autre part sur le plan énergétique, car les armes donnent un reflet de la circulation du qi. »

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