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Jean-Jacques Sagot

La fabuleuse histoire de l’ours (6) , les carnets de JJS, page 20

Dernière mise à jour : 3 déc.

les carnets de JJS, page 20

 

La fabuleuse histoire de l’ours (6)

La Chrétienté vainqueur par KO

 

Après ce détour par les arcanes de l’anthropologie, revenons à notre histoire de l’ours. Nous l’avons laissé aux âges lointains de l’humanité où la « colocation » avec nos ancêtres était bien établie. Pendant des millénaires, l’ours a occupé une place particulière dans le bestiaire des civilisations de l’Eurasie, tout autant que dans celles de l’Amérique septentrionale. Roi des animaux, la couronne peut lui être attribuée sans hésitation. Comme tous les rois, il est vénéré et redouté. Les guerriers se comparent à lui, les tribus se placent sous son patronage, on lui attribue des qualités sexuelles démesurées. Les contes et légendes lui octroient une position prépondérante, cités et lieux se rangent symboliquement sous sa tutelle. Bär, en allemand c’est l’ours, en anglais c’est bear. La racine étymologique vient du sanskrit Var. Berne ou Berlin, ce sont les cités de l’ours, regardez leur héraldique.


En Chine, Yu le Grand, le souverain divinisé se paraît de peaux d’ours pour s’imprégner de l’esprit de l’animal. Dans les rituels archaïques(où l’on peut trouver la trace originelle du Jeu des Cinq Animaux), l’Ours occupait la place centrale, tout comme l’Empereur.

Nous reviendrons ultérieurement sur le Béarn, terre de l’ours (c’est là que les ours contemporains ont été réintroduits, d’ailleurs) dont le point culminant est le Pic du Midi d’Ossau (en espagnol oso).

jj

La chrétienté, à la période du haut Moyen-âge, s’impose sur les terres celtes et se trouve confrontée avec les cultes et traditions antiques. La stratégie prépondérante, pour prendre la place d’une tradition antérieure, est de se glisser, de s’accaparer, de digérer toutes les pratiques, les rites, mythes et héros. Par exemple Gargantua devient Saint Georges et continue à terrasser le dragon. Les lieux de culte sont recouverts, au Mont Saint Michel, à Chartres. En Bretagne toutes les pierres levées seront surmontées d’une croix…


Mais l’Ours est trop fort, trop monumental… et trop dangereux. Alors on va le combattre, le diaboliser, l’éradiquer. L’ours sera éliminé physiquement, pourchassé, massacré sur ses terres et dans ses forêts. On va en garder quelques-uns pour les humilier, en les capturant, en les enchaînant. Ils deviennent alors des bêtes de foire. Les montreurs d’ours leur font faire des tours de cirque sur les places publiques. L’ours, l’ancienne idole redoutée est devenue ridicule.


La chrétienté a gagné définitivement, et par KO ! Elle va pouvoir installer à sa place un autre animal facile à contrôler puisque totalement inconnu en ces terres conquises, un animal que l’on ne connaît que par les récits et les images, un animal qui vient d’ailleurs, tout comme la nouvelle religion, le Lion.


Michel Pastoureau a cette formule judicieuse : le « Lion du Nord » est remplacé par le « Lion du Sud ».


Le nouveau Roi des Animaux, c’est le Lion.


En Amérique et Asie septentrionales, dans certaines tribus « indiennes » ou sibériennes, survit encore l’ours magnifique dans quelques cultes ou sur quelques totems…jusqu’à quand ?

JJ Sagot


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