La fabuleuse histoire de l’ours (9) : Le Pic du Midi d’Ossau, les carnets de JJS, page 37
- Jean-Jacques Sagot
- 6 mai
- 2 min de lecture
les carnets de JJS, page 37
La fabuleuse histoire de l’ours (9)
Le Pic du Midi d’Ossau
Visible en majesté depuis les terrasses paloises, le Pic du Midi d’Ossau apparaît comme une borne, un immense mégalithe pour celui qui descend le chemin des étoiles vers le Midi. Les peuples qui ont parcouru la longue plaine européenne en allant vers le Couchant, les pèlerins en marche tout au long du balisage antique vers le symbolique tombeau de Jacques à l’Occident, les marcheurs d’aujourd’hui, qu’ils soient poètes ou non, beaucoup ont pris comme repère la grande et belle montagne béarnaise.
Si sa majesté semble mystérieuse, son nom l’est également. Cependant……Oso en espagnol, c’est l’ours, de même que Artz en basque. En basque également, qui peut être considérée comme la langue de ceux qui vivaient en ces lieux avant l’arrivée de tous les peuples nomades du premier millénaire de notre ère, langue qui, au dire des linguistes, n’a que peu changé depuis, Ortz signifie tonnerre et Uhartz, l’ours de rivière, le brochet. En béarnais, los Ossalès, habitants de l’Ossau, sont les homonymes des Aussalès, les montreurs d’ours.
Le Pic du Midi, c’est d’abord un pic, c'est-à-dire une montagne unique et pointue. Partant de sa base horizontale, au niveau des hommes, il s’affine en s’élevant jusqu’à toucher le ciel par son sommet effilé. Il représente alors le chemin ascensionnel de la terre des hommes jusqu’au jardin céleste. Son appellation est renforcée par le « Midi », midi dans le sens « méridienne » d’un monde. Ainsi, il y a rencontre entre le spatial (l’axe nadir-zénith) et le temporel (le midi étant le moment tangentiel où l’heure est déterminée par la plus grande hauteur du soleil dans le ciel). On sait que le symbolisme de la montagne sacrée est d’universalité manifeste1, grâce à de multiples exemples comme le Machhapuchhare au Népal, le Mont Kailash au Tibet, le Kilimandjaro en Afrique, le Macchu Pichu dans les Andes, le Mont Ararat en Turquie, le Mont Sinaï bien sûr et plus près de nous le Mont Lozère ou le Mont Bego au-dessus de la Vallée des Merveilles. Le Mont Meru, en Inde, est une montagne mythique qui revêt le même symbolisme dans l’immense tradition hindoue. Et bien sûr, l’Olympe représente l’identique dans la mythologie grecque. La géographie terrestre n’est que le reflet de la géographie céleste, et les montagnes sacrées sont l’ « incarnation » d’un principe supérieur.
On peut s’interroger sur le surnom encore porté par le Pic du Midi d’Ossau dont l’origine semble pourtant bien lointaine. « Jean-Pierre » comme l’appellent familièrement certains Béarnais est bien sûr l’homophonie de « Géant de Pierre ». Joan et Per sont des prénoms communs en Béarn, comme Jean et Pierre partout où l’Eglise chrétienne s’est glissée dans les traditions précédentes. L’un rappelle Jean l’Evangéliste, la branche ésotérique de la tradition chrétienne, l’autre rappelle Pierre, le fondateur de l’église, la branche exotérique. D’ailleurs, on se souvient que la tradition familiale béarnaise attribuait le prénom de Jean à l’aîné et celui de Pierre au cadet. Peut-être la double pointe asymétrique de l’Ossau concourt-elle à cette évocation de la dualité ?



1 Mircea Eliade : « Mythes et symboles »
Illustration : L’Ossau depuis les lacs d’Ayous, photo de l’auteur
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