La fabuleuse histoire de l’ours (7), les carnets de JJS, page 29
- Jean-Jacques Sagot
- 10 févr.
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 25 févr.
les carnets de JJS, page 29
La fabuleuse histoire de l’ours (7)
Le sanglier et l’ours
En reprenant notre histoire, confrontons deux animaux que nous croyons bien connaître. Si l’ours a quitté les cavernes périgourdines, il est de retour aujourd’hui dans les Pyrénées béarnaises. Quant au sanglier, il pullule jusque dans mon jardin, sans avoir été invité, d’ailleurs.

En terre chinoise, il apparaît peu dans le bestiaire symbolique. Mais on y trouve le cochon en abondance. C’est même lui le « délégué de l’empereur céleste » pour convoquer les animaux du zodiaque. Et comme le cochon est le descendant du sanglier domestiqué, on peut penser que celui-ci a sillonné également les terres chinoises. Dans la Chine ancienne, le sanglier représente les Xia, la dynastie de Yu le Grand (22 siècles avant notre ère). Il sera chassé et capturé par Yi l’archer (qui chassera du même coup la dynastie Xia de Yu le Grand , tout comme fera Hercule avec le sanglier d’Erymanthe. Il y a là entre Orient et Occident résonance d’un symbolisme cyclique.
Tournons-nous plutôt vers les terres occidentales, celles qui furent à une époque habitées par les Celtes. Rappelons que Gaulois est le nom donné aux Celtes locaux par les Romains lors de la guerre des Gaules. Et l’origine des Celtes est indo-européenne, ce qui sur le plan linguistique et « culturel » , permet une étude comparée avec la tradition hindoue.
Or, dans les symboliques celte et hindoue, le sanglier a une part importante.
Le sanglier hindou s’appelle Varâha, c’est un avatar (représentation) de Vishnou. La « terre du sanglier » est considérée comme l’origine du monde et s’appelle Varâhî.
Chez les Celtes, les druides s’appelaient eux-mêmes les sangliers. Le sanglier considéré comme solitaire et dont l’isolement dans les bois confère à ceux à qui l’on attribue ce nom la qualité d’autorité spirituelle et de gardien des origines (la forêt est un lieu mystérieux et opaque, le lieu des initiations et des secrets).
Il fut un temps où c’est la constellation des sept étoiles autour du pôle céleste qui s’appelait le « sanglier ». Ce patronyme bien sûr déclinait nombre d’appellations ayant toutes pour racine étymologique var ( var, vri, bar, bor, selon les prononciations).
Le fait d’être située au sommet du ciel engage l’idée de couvrir, protéger et a engendré le nom Varuna, le ciel, dont le grec Ouranos est de même étymologie.
Le Veda hindou attribue les successives périodes protohistoriques (Kalpa) à des représentations animales. A la période dominée par le Sanglier où le ciel était « couvert » par le grand sanglier blanc succède celle dominée par l’Ours et la constellation s’appelle alors la Grande Ourse (en sanskrit sapta-riksha). Cependant la racine étymologique glisse d’un animal à l’autre et var, bor, par extension, est attribué à l’Ours. Ce qui engendrera, plus tard , le bear anglais, le bär allemand et les villes de Berlin, Berne, qui garderont l’ours dans leur héraldique. Et on gardera comme nom mythique pour le « toit du monde » l’appellation Hyperborée.
La mythologie grecque décrit le Grand Sanglier Blanc terrorisant la cité de Calydon. Il fut chassé et le premier coup vint d’Atalante, l’héroïne nourrie par une ourse. On voit ici, avec l’« habillage » mythologique, un autre indice du temps cyclique avec le glissement du sanglier à l’ours.
Nous verrons une autre fois , en descendant dans le Béarn, autre terre de l’ours, comment l’étymologie nous renseigne sur les filiations mythiques et symboliques. Nous verrons aussi pourquoi l’Ourse au féminin y prend le pas sur l’Ours au masculin.
Terminons avec le grand cycle hindou des Kalpa et considérons qu’après le Temps du Sanglier puis celui de l’Ourse, vint le temps du Taureau et des bœufs. Alors les sept étoiles prirent chez les Romains le nom de Septem Triones (les sept bœufs du labour) , et le Nord devint le Septentrion.
JJ Sagot
Sources :
Les Mythes grecs de Robert Graves
Symboles de la manifestation cyclique de René Guénon
Mythes et dieux de l’Inde d’Alain Danielou
Histoire de la Chine ancienne et impériale de Damien Chaussende
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