La fabuleuse histoire de l’ours (10)Le Pic du Midi d’Ossau -suite- les carnets de JJS, page 38

les carnets de JJS, page 38

La fabuleuse histoire de l’ours (10)

Le Pic du Midi d’Ossau -suite-

La configuration de notre montagne est rappelée par une vieille légende qui a eu cours au-delà des Pyrénées : le Pic du Midi d’Ossau, si on le regarde la tête penchée à l’horizontale, figure une tête d’ours coupée, jetée et retombée la gueule ouverte vers le ciel. C’est le conte de « Jean de l’Ours » qui est similaire à une légende arabe. N’oublions pas que les Arabes de Grenade ont séjourné dans la contrée d’Al Berniya c’est-à-dire le Béarn. Et rapprochons aussi, sur le plan étymologique au moins, le Béarn des villes de Berne ou de Berlin qui ont comme emblème l’Ours, de racine Bar ou Var qui a donné Bär en allemand ou Bear en Anglais.

Notons également que les églises de Pau ne sont pas orientées vers l’Est mais vers l’Ossau ! Celle de St Martin en particulier qui n’est pas sans rapport historique avec l’ours : Martin a pour origine Artz l’ours … et Martin dans la tradition médiévale était soit le nom de l’ours soit le nom du montreur d’ours.

Nous ne pouvons pas oublier le couvent des Ursulines, en plein centre de Pau dont le nom est une référence manifeste aux « Petites Ourses » !

Il est fort probable que l’Ossau fut le siège de rites anciens. Sa structure à base circulaire dégagée permet d’en faire le tour. Les circumambulations font partie de la base de la plupart des rituels universels, autour d’un stupa, d’une kaaba, d’un totem. Si les traces se sont dissipées avec le temps, on peut imaginer des cérémonies concordantes ayant l’Ossau comme montagne sacrée. D’ailleurs, les pèlerins de Compostelle qui faisaient le « détour » par l’Ossau et le Port du Pourtalet plutôt que suivre la vallée du Somport ou celles plus à l’Ouest, ont considéré l’Ossau comme une borne majeure sur le chemin de Compostelle et en ont laissé quelques témoignages.

Comme toute montagne sacrée, le sommet était inviolable et inviolé. La Grande Ourse, dans le ciel, ne tourne-t-elle pas autour du centre invisible, que l’on ne peut « capter » donc profaner, mais qui est déterminé par la course circulaire de la constellation ? Bien sûr, ce lieu a été profané, comme la plupart des autres : la première ascension effectuée par Guillaume Delfour en 1797 a ouvert la voie aux pyrénéistes et randonneurs, en substituant une démarche sportive à une démarche spirituelle. Au Népal, le Machhapuchhare dont l’aspect est très proche de l’Ossau a été rebaptisé Mount Fish Tail par les Anglais qui ont vu une queue de poisson où les anciens voyaient une gueule d’ours. Bien moins élevée que ses prestigieuses voisines l’Annapurna ou le Dhaulagiri, elle était sacrée. Elle aussi a été violée récemment par les sportifs qui ont fait fi de l’interdiction locale.

Je me rappelle de l’émerveillement devant le reflet du Machhapuchhare à la surface du lac Fewa, près duquel je séjournai en 1978. Cet émerveillement est identique à celui que peut procurer le reflet de l’Ossau dans les lacs d’Ayous, haut perchés sur le chemin de la vallée d’Aspe. Allez passer une belle nuit d’été au bord d’un des lacs d’Ayous. Vous y verrez le reflet nocturne de l’Ours, l’Ossau, couronné par les sept étoiles de la Grande Ourse.

Vous aurez alors l’image de la beauté du monde dans le couronnement céleste de la puissance terrestre.

Le Pic du Midi d’Ossau depuis les terrasses paloises